Elle avait la beauté d’une déesse indienne. Tout lui réussissait : le mannequinat, le cinéma ou encore l’événementiel. Viveka Babajee, Miss Mauritius 1993, s’en est allée. Brutalement. La Mauricienne qui faisait sensation sur les catwalks des plus grandes capitales de la mode et qui avait aussi fait la une de plusieurs magazines féminins à Maurice et dans d’autres pays, a été retrouvée, vendredi 24 juin au matin, pendue dans son appartement. Elle habitait à Mumbai, capitale de l’État du Maharashtra  et temple de Bollywood et de la mode.

Le décès de notre compatriote a jeté comme un froid dans le sacro-saint milieu de la mode. Les raisons de cet acte demeurent toujours floues pour tous ceux qui l’ont côtoyée.

Sa famille à Maurice, à Beau-Bassin, est sous le choc. «Nous sommes bouleversés. Nous vivons un cauchemar», nous déclare une proche, la voix remplie de tristesse. Personne n’arrive vraiment à croire que celle qui avait fait connaître Maurice dans le milieu de la mode sur le plan international et qui brillait à Bollywood a quitté ce monde.

Du haut de ses 1m75, ses 55kg et ses mensurations parfaites (34-27-36), Viveka Babajee a toujours revendiqué le droit de se construire elle-même. C’est ce qu’elle nous avait déclaré le 25 juillet 2008 lors d’une interview qu’elle nous avait accordée dans le cadre de notre rubrique Que sont-ils devenus, publiée deux jours plus tard dans l’édition de 5-Plus dimanche en date du 27 juillet 2008.

  On la découvrait alors  rayonnante, épanouie et fashion jusqu’au bout des ongles. Interrogée à cette époque sur le secret de sa forme, elle expliquait : «Je fais beaucoup de gym et je pratique régulièrement la natation.» Elle travaillait aussi beaucoup : «C’est primordial pour moi. Les podiums, voire tout ce qui touche de près ou de loin à l’univers de la mode, me fascinent. Depuis l’âge de 5 ans, et après mes années collège au couvent de Lorette de Curepipe, je voulais faire du mannequinat mon métier avec son côté glam et obscur malgré les sacrifices et les difficultés.»

  Depuis son sacre en 1993, la jeune femme avait parcouru bien du chemin. «Tout a été très vite», nous confiait-elle. Propulsée dans le monde glamour de la mode, Viveka Babajee découvre qu’elle aime ça. La jeune femme réussira aussi l’exploit au concours Miss Univers aux Philippines en 1994. Elle est alors sacrée la plus belle femme – parmi toutes les Miss – apte à devenir mannequin : «Je croyais vivre un rêve… »

 La tête sur les épaules

Elle enchaînera alors avec beaucoup d’aisance les séances photo, les interviews, les sollicitations professionnelles en tous genres. Et elle ne s’arrêtera pas là. Relevant défi sur défi, cette célébrité fera aussi un détour par Bollywood pour tourner un film Yeh kaisi Mohabwat sans oublier ses passages sur les catwalks de l’Inde, la Chine et même de Londres, entre autres, pour des défilés haute couture.

Mais la jeune femme avait toujours la tête sur les épaules : «Rien ne m’a été offert sur un plateau.» Armée d’une volonté de fer, elle nous racontait qu’elle avait forcé le destin : «Des épreuves, j’en ai eu beaucoup. J’ai beaucoup ramé. Il y a eu beaucoup de critiques, notamment lorsque j’ai tourné une pub pour une marque de préservatif, mais c’était mon travail. J’ai regardé droit devant et j’ai continué en dépit de tout.»

  Eh oui ! Notre compatriote avait aussi beaucoup fait parler d’elle – comme Shabana Azmi qui a osé jouer le rôle d’une lesbienne dans Fire -, pour avoir fait une pub sur des préservatifs dans un pays demeuré largement conservateur.

 Viveka Babajee qui essayait de revenir se ressourcer à Maurice autant que possible, savait aussi d’où elle venait et elle avait d’ailleurs des mots doux pour sa famille, qui l’a, disait-elle, toujours épaulée : «Je suis la benjamine d’une famille de quatre filles. Mes proches ont tout le temps cru en moi. J’ai une pensée pour mon père Bajeeram - décédé et pour ma maman Dayawanti, de qui je tiens ma force de caractère.»

  Au fil des années, le mannequin s’était tissé un univers à son image : sensuel et élégant. Malgré le poids des années, elle nous disait refuser d’être une «has been», bien au contraire, elle enchaînait toujours projet sur projet : «Je fais beaucoup de défilés et maintenant, je suis aussi chorégraphe, je mets en scène des défilés.» Des rêves, elle en avait tout plein et elle voulait continuer à surprendre, continuer à exister « jusqu’à ce que j’ai des cheveux blancs». C’est dire que tout allait bien pour elle… ou presque.

  Hélas, le conte de fées ne s’est pas cette fois-ci terminé sur une bonne note. La reine de beauté qui n’avait aucun mal à briller de mille feux, comme une étoile, s’est éteinte. Brusquement.

Déception amoureuse ?

  Le décès de notre compatriote n’est pas passé inaperçu dans la Grande Péninsule. Des articles de presse évoquent Viveka Babajee en des termes élogieux : «super model» ou encore «belle actrice» qui était appréciée dans le milieu de la mode.

  L’enquête s’oriente vers un suicide à la suite des rumeurs d’une déception amoureuse et d’une prétendue rupture avec son «petit ami». On mentionne aussi «une lettre» qui aurait été découverte sur les lieux du drame, mais rien n’a été confirmé.

  Plusieurs journaux et sites Internet diffusent depuis la triste nouvelle. Des sites relatent ainsi comment des voisins ont alerté la police lorsqu’ils ont senti une odeur de gaz émanant de l’appartement du mannequin. Une fois sur place, les enquêteurs ont découvert la jeune femme pendue à un ventilateur. Interrogée sur les détails concernant les funérailles, une proche à Maurice n’a pas voulu faire de commentaire.

 Entre tristesse et émotion

Un choc ! Tous ceux qui ont côtoyé Viveka Babajee à un moment ou un autre de leur vie sont attristés depuis qu’ils ont appris ce qui est arrivé. C’était une battante au grand coeur, disent certains, comme l’actrice dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Son bleu de travail, c’était ses bijoux, ses vêtements scintillants. Elle pouvait porter tous les habits du monde, même des haillons sans que le lumière qui se dégagent d’elle ne fût altérée. À l’époque de l’Ancien Régime en France, les peintres émérites l’auraient croquée. L’univers du mannequinat et de la mode est impitoyable.

  Davantage peut-être en Inde où les belles plantes ne manquent pas sur 1,2 milliard d’âmes. On n’a qu’à faire un tour à Simla, à proximité de l’Himalaya pour s’en rendre compte. Elle réussissait quand même dans la Grande Péninsule. Témoignages de ceux qui l’ont connue.

«J’ai été très choquée d’apprendre sa mort. Elle avait tout pour elle et c’est vraiment très triste la façon dont elle s’est donné la mort. L’image que je garde d’elle est celle d’une battante. Quand elle voulait quelque chose, elle faisait tout pour l’avoir. La preuve, elle avait postulé pour le concours Miss Mauritius en 1992 mais elle n’avait pas été loin. Elle a remis ça l’année suivante et elle est repartie avec la couronne. Elle était très déterminée», nous déclare Primerose Obeegadoo, la présidente du Comité Miss Mauritius. Rina Seegobin, amie de collège de la femme est aussi décontenancée par le drame : «On a fait nos études secondaires ensemble et je peux vous dire qu’elle était l’exemple de la bonne amie. On gardait contact même si elle était loin.»

 Noël Kissiong, le propriétaire de Bluesteel Klubbing Gear, est lui aussi effondré par cette tragédie : «Viveka est le visage de notre marque de vêtement. C’est terrible ce qui est arrivé.»